Botanique par l'image - Reconnaître les plantes d'île de France, c'est facile avec des photos détaillées et légendées :)
10 Mars 2019
Ma dernière balade dominicale a croisé la route d'un sentier botanique forestier riche de 23 panneaux qui donnaient le nom des arbres. Quelle aubaine pour la reconnaissance des arbres pendant la saison hivernale !! Le panneau numéro 4 indiquait : sureau. Très bien! Voyons voir cela!
Je reste perplexe... Il ressemble vraiment beaucoup à un robinier faux-acacia, ce sureau! Et le robinier faux-acacia, c'était le panneau numéro 3... Bon, je m'approche! Je comprends vite : le gros arbre derrière, c'est un robinier, et le petit chétif devant, c'est lui le sureau!
L'écorce âgée du sureau est profondément crevassée en formant une mosaïque de rectangles.
Quand elle est jeune, l'écorce du sureau est lisse avec de jolies lenticelles (*) en forme d'ovale à extrémités pointues.
(*) les lenticelles sont des petites ouvertures présentes sur l'écorce qui permettent des échanges gazeux entre l'arbre et l'atmosphère.
Les jeunes rameaux de sureau sont bien droits et contiennent une moelle blanche généreuse. Cela me rappelle mes études : en travaux pratiques de biologie végétale, nous devions tous avoir avec nous des tronçons de moelle de sureau d'environ 5 cm de longueur et d'un diamètre de moins d'un centimètre. Nous les coupions dans le sens longitudinal, puis creusions une partie de la moelle pour y caler un bout de tige ou de racine d'une autre plante. Elle se retrouvait alors prise en sandwich au centre du tronçon de moelle de sureau. Il ne nous restait plus qu'à couper minutieusement le tout en rondelles à l'aide d'un scalpel pour obtenir des coupes extrêmement fines pour les mettre entre lame et lamelle et les observer au microscope (après coloration). C'était tout un travail!
Les bourgeons sont disposés, deux par deux, de chaque côté du rameau. On dit qu'ils sont opposés. Si les bourgeons sont opposés, les feuilles ont alors de forte chance d'être également opposées!
En cette fin de février, les bourgeons étaient déjà en train de débourrer. Cela m'a permis de confirmer que ce petit arbre était bien un sureau avec ses feuilles composées à 5 à 7 folioles.
Il en a vu des vertes et des pas mûres, ce petit sureau. Il est clairement mal au point, mais il résiste et trouve de l'énergie pour fabriquer de nouvelles feuilles. Il n'a pas dit son dernier mot. Sa force de survie est belle !
En regardant de plus près ce vaillant petit arbre, je découvre ceci :
Qu'est-ce que c'est ? On dirait que le sureau s'est doté de petites oreilles toutes noires! Je ne croyais pas si bien dire. Il s'agit d'un champignon appelé oreille-de-Judas qui adore le sureau!
Dès qu'un sureau devient âgé et un peu en mauvaise santé comme celui de cet article, l'oreille-de-Judas (Auricularia auricula-judae) investit les lieux et envoie son mycélium au travers des tissus de l'arbre. A maturité, le champignon produit à la surface de l'arbre de jeunes carpophores (les fameuses oreilles). Son cycle ressemble à celui du ganoderme, à revoir ici.
Les carpophores de l'oreille-de-Judas sont plissés et ridés comme des oreilles, d'où leur nom. Les Oreilles-de-Judas photographiés sont noirs et ont un aspect de velours.
Mais surprise! La nature m'a fait une farce : ce velours qui brille au soleil et qui semble si doux est en fait aussi dur que du bois! Incroyable! La raison ? Ces carpophores sont apparus il y a déjà plusieurs mois. Ils étaient alors jeunes, souples, gélatineux, beaucoup plus grands et d'une belle couleur brun-rouge (photo ici). Depuis, ils ont séché, durci et se sont rétrécis. Ils sont en fin de vie. Ils vont bientôt disparaître.
Oreille, on comprend. Mais pourquoi de-Judas? Tout simplement parce que Judas se serait pendu à un sureau…
Quand il est jeune, le carpophore est comestible. Il est gélatineux, élastique et n'a pas de goût mais il se mange. L'intérêt est qu'on peut le faire sécher, puis le réhydrater, il reprend alors sa forme originale.